Dérobade

Une multitude d’humains sont indifférents au désarroi du monde et à la détresse de leurs voisins.

Dérobade désigne, selon le Robert, l’action de s’échapper, de fuir, afin de se soustraire à son devoir. Elle est l’attitude foncière de beaucoup d’hommes de pouvoir, de magnats financiers, de chefs d’Etat, qui manifestent peu d’empathie pour la souffrance d’autrui, peu de préoccupation pour les incertitudes du futur. Cependant, des associations civiles, de nombreux experts, des journalistes ont suscité un extraordinaire sursaut. Partout fleurissent des concepts mobilisateurs centrés sur l'économie solidaire, les petites entreprises, mais aussi, sur le rôle d'un chacun, sur d’humbles actions journalières en faveur de l’environnement.

Dérobade s'accompagne de déni. C’est ainsi que des puissances économiques ou financières, des partis politiques, des chefs d'Etat, nient la gravité de la situation, jusqu’à déformer sciemment les résultats des experts. Il n’est plus possible d’excuser ce déni par un manque d’information. Il ne s’agit plus seulement d’égoïsme ni du refoulement d’une « vérité qui dérange »mais d’une attitude scandaleuse envers les faibles. On se range aux propos rassurants, aux discours séducteurs : on se conforme servilement à ce que font les autres. On connaît la thèse de Keynes : le conformisme est le degré zéro de l'esprit.

Surexploitation et dégradation de l'environnement trahissent une modification radicale de la relation entre l'homme et le monde, que nous appelons le rapport anomique au monde. Qu'est-ce à dire ? On connaît le respect envers la Terre-Mère des peuples dits primitifs et notamment, du peuple inca. Tout autre est le mépris de ceux qui accaparent trompeusement des vastes régions agricoles ou forestières. Cette arrogance évoque le sujet que la psychiatrie dénomme psychopathe paranoïaque. Tel sujet ne change jamais d’attitude. On le considère, sauf circonstances exceptionnelles, comme incurable. En cas de grave danger pour autrui, il faut recourir à l’internement. De même, face à certaines multinationales, à des régimes totalitaires, le dialogue est un piège. Seule une condamnation irrévocable par une instance pénale, régionale ou internationale, pourra les faire plier.

L’accélération, actuellement, des catastrophes naturelles, les graves dissensions entre plusieurs Etats, en septembre 2017, à l’Assemblée générale des Nations Unies, ont sidéré l’humanité.  On connaissait, depuis l’ère industrielle, la responsabilité de l’Homme, mais on pouvait penser qu’elle était encore « normale », circonstancielle : or, partout dans le monde, on peut se rendre compte désormais que la surexploitation de la Terre, l'imprévoyance envers les autres espèces, animales ou végétales, résultent d'une tendance profonde, qu’elles sont liées à la nature de l’Homme.

La prise de conscience actuelle, quasi universelle, de la responsabilité de l’Homme, constitue un fait anthropologique, voire ontologique, extraordinaire. Des philosophes de l’existence seront tentés d’y voir le dévoilement d’un nouvel existential : le sentiment de dette envers la Terre et l’humanité. Certains climatologues parleront d’une mutation, confortant l’idée de l’Anthropocène. D’autres, croyants ou athées, y verront l’une des tâches de l’espèce humaine : s’inscrire de façon résolue dans le Temps du monde.

Mais l’Homme pourra-t-il encore sauver la Terre ? A quelles conditions ?